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Retour au bercail pour l’ambassadeur Charles Gomis

Il est, avec Essy Amara, de la première génération de cadres ivoiriens réellement formés pour la diplomatie, et à qui Félix Houphouët-Boigny avait donné les moyens d’exercer leur métier au plus haut niveau, et selon les standards internationaux. Il a occupé bien des fonctions, porté de nombreux titres, y compris celui de chef de la diplomatie. Mais, le plus prestigieux, auquel il tient par-dessus tout, c’est bien « Monsieur l’Ambassadeur », et cela a encore un sens, à Abidjan, qu’il regagne après près de neuf ans d’une laborieuse prolongation à Paris.

►Alexis Guilleux : vous saluez, cette semaine, le remarquable passage de l’ambassadeur Charles Gomis à la tête de la mission diplomatique de Côte d’Ivoire, en France. Mais, auparavant, quelques mots sur Pierre Nkurunziza, décédé ce 8 juin 2020. Comment expliquer que beaucoup saluent ses premières années au pouvoir, et que la suite fasse l’objet d’autant de controverse ?

Vous connaissez sans doute la fameuse citation orpheline, que l’on prête à Abraham Lincoln, autant que l’on la lui applique : « Tous les hommes, presque, peuvent vaincre l’adversité. Mais si vous voulez apprécier le caractère d’un homme, jauger sa personnalité, donnez-lui le pouvoir ! » Lincoln avait, au pouvoir politique, un rapport sain, fait de générosité et de clémence, de compassion et d’indulgence, tout à la fois. C’est pour cela, essentiellement, que tous les Américains ayant un tant soit peu de culture continuent, un siècle et demi après son assassinat, de le vénérer, voire de le déifier. C’est, justement, à l’épreuve du pouvoir que l’image de Pierre Nkurunziza s’est brouillée, pour laisser poindre le petit despote que décrient, notamment, le demi-million de Burundais, qu’il a jetés sur les chemins de l’exil.

À l’épreuve de la diplomatie, Charles Gomis, lui, semble être, selon vous, un homme de très grande envergure…

Il l’est ! Polyglotte, au verbe mesuré, Charles Prudence Gomis est aussi brillant que modeste, pratiquant l’anglais, le français, le portugais, l’espagnol… autant de butins engrangés, lors de ses études en France et aux Etats-Unis, puis dans les divers postes qu’il a occupés tout au long de sa carrière. Il aligne diplômes et certificats des plus prestigieux temples du savoir : sciences politiques à la fameuse UCLA, à Los Angeles ; diplomatie à l’Université John Hopkins, si souvent citée en référence, depuis le début de la pandémie du coronavirus, l’Institut de développement de la Banque mondiale, à Washington. Où il débute sa carrière, en 1965, comme premier conseiller, aux côtés du futur président Konan Bédié, alors ambassadeur de Côte d’Ivoire aux Etats-Unis. Il sera, ensuite, son chef de cabinet au ministère des Finances, avant d’aller porter sur les fonts baptismaux la Bourse des valeurs d’Abidjan, puis de diriger la Sitram, première compagnie maritime de Côte d’Ivoire.

Quand retourne-t-il donc à la diplomatie ?
En 1978, comme ambassadeur au Brésil et en Colombie. Il enchaîne les représentations prestigieuses : Mexique, Bahamas…
Puis, finalement, Washington, où il sera le dernier ambassadeur de Félix Houphouët-Boigny aux Etats-Unis. En 1994, il devient, et pendant une décennie, conseiller spécial du président de la Banque africaine de développement.
Puis, six années durant, il est, notamment « numéro deux » de la Mission des Nations unies en RDC.

Après une petite bifurcation par le secteur privé, il aspirait à une retraite bien méritée, lorsque le président Ouattara le rappela, pour sans doute la plus prestigieuse représentation diplomatique de Côte d’Ivoire à l’étranger, un des rares postes qui manquaient à son palmarès :

Paris. Sauf que c’était pour une œuvre de salubrité publique, dans une ambassade gangrenée par la politique et la mauvaise gestion. Mission presque impossible, dont il sort, en ayant rendu à la Côte d’Ivoire, un peu de son lustre d’antan en France, même s’il admet que le travail est loin d’être terminé. Il n’empêche !

Bien des ambassades africaines, à Paris, auraient apprécié un tel ravalement en profondeur, au propre, comme au figuré, tant presque toutes se distinguent davantage par leur capacité à élever les souris et autres « bestioles malfaisantes », qu’à rehausser l’image du pays.

RFI

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