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Stéphane SOUMAHORO : « Les journalistes ivoiriens face au défi d’une information économique de qualité »

Le regard vif, buste toujours relevé, toujours ce petit sourire au coin des lèvres, l’allure toujours décontractée, et toujours à l’affût de la petite information qui orientera les décisions politiques et stratégiques des autorités, Stéphane SOUMAHORO, journaliste économique, était bien présent à la COP15. Fort discret, il passe souvent inaperçu, et l’homme aime bien ce registre. Pour lui toute la stratégie et la dynamique de croissance des Etats passent par la capacité à percevoir la bonne information économique et financière, mais aussi à produire et à promouvoir la juste information économique et financière à l’endroit des Etats partenaires, des Institutions et des investisseurs d’une part, mais aussi à promouvoir la bonne information économique et financière au plan national.

Depuis quelques années vous êtes le président de l’Association des Journalistes Economiques et Financiers de Côte d’Ivoire (AJEFCI). Comment se porte votre réseau?

Le réseau se porte bien. Il ne cesse de grandir, car de plus en plus les gens comprennent l’utilité de l’information économique et financière. Mais vous savez à ce niveau on était confronté à un double problème. D’abord les citoyens ordinaires ne se sentaient pas concernés par ce segment de l’information. C’était l’information politique qui primait, et qui prime encore (sourire). Ensuite l’information sportive et culturelle. Cette situation était le fait il faut le reconnaitre des acteurs des médias que nous sommes. Notre manière de relayer les informations économiques était très technique et pas accessible au grand public.

Comment cela, pas accessible au grand public?

En fait pour être plus simple, nous avions un problème de compétences internes, au niveau des journalistes et professionnels des médias. C’est ce qui ressort de notre rapport d’auto-évaluation. Des journalistes n’avaient pas le back-ground adapté pour décrypter l’information économique. Prenez par exemple un journaliste d’un journal Y qui va couvrir une activité de restitution des travaux de la BAD. Quand il revient à sa rédaction, il publiait généralement le rapport technique ou le dossier de presse qu’on lui a donné sur place. Pourquoi? Parce que lui même ne comprend pas les termes utilisés, les objectifs spécifiques à atteindre. Donc du coup, il ne peut lui-même simplifier l’information qu’il détient et la rendre accessible a tous. Donc le rendu était difficile à digérer, et seuls ceux qui s’y connaissaient pouvaient s’y intéresser.

Mais qu’est ce qui justifiait ou qu’est ce qui justifie cette situation?

La formation, il n’y a pas à tourner autour de la question. Pour être un journaliste sportif, vous devez maitriser les notions du foot par exemple, pouvoir analyser la défaite d’une équipe ou sa victoire, il faudrait que vous sachiez lire des éléments techniques que monsieur tout le monde ne voit pas a priori. Le choix du schéma tactique, le coaching d l’entraineur, l’environnement moral des athlètes, le climat au stade, etc. C’est la même chose pour le journaliste économique. Il doit maitriser des aspects basiques de l’économie et des finances. Du coup on avait beaucoup plus de chargés de communication pour ces institutions que des journalistes.

Et les choses ont évolué?

Timidement, mais c’est déjà beaucoup de joie que de voir les choses bouger. La presse économique se densifie. Vous avez de nouveaux venus dans la presse écrite, vous avez des initiatives d’un bon niveau sur le net, par des acteurs locaux, vous avez des programmes télé et radio qui s’améliorent. Mais surtout vous avez des journalistes qui se forment, qui s’arment pour les grands défis de demain. Car il ne s’agit pas dire ci ou ça juste pour remplir les pages vides. A la différence des autres spécialités du journalisme, les écrits ou productions du journaliste économique peuvent et ont des incidences cruciales sur les décideurs économiques. Ils sont certes employés dans des rédactions, mais leurs écrits servent et doivent servir l’image de la région, ou du pays où ils exercent. C’est eux le véritable baromètre des investisseurs. Avant de venir investir dans le cacao ivoirien, l’investisseur étranger va lire l’actualité et c’est sur la base des productions qu’il se décidera. Et dans les années 80, le ministre Guy Alain Gauze, paix à son âme avait cerné cette réalité. Il a incité à la création d’une presse dynamique sur laquelle il allait s’appuyer pour lancer l’offensive de l’information sur les matières premières. On a vu les résultats.

Et vous pensez que cela manque à la Côte d’Ivoire aujourd’hui?

Je pense que par rapport aux exigences, et aux ambitions du gouvernement ivoirien, il y a du travail à faire en matière d’information économique et financière. La diplomatie économique du pays doit s’appuyer sur des leviers puissants de récolte, de traitement et de promotion de l’information économique utile. L’information est un pouvoir. L’information économique et financière est le fondement de ce pouvoir.

Et que faites-vous justement pour permettre à cette presse économique de jouer pleinement son rôle, dans l’objectif d’émergence prônée par le président Alassane Ouattara?

Allez au Sénégal, vous verrez le rôle majeur que joue la presse économique. Allez en France, allez en Suède, en Suisse, au Maroc. Je ne vous parle même pas de l’Allemagne ou des Etats-Unis. Notre ambition est d’élever le niveau et de permettre à notre presse de fournir les informations utiles à nos décideurs. Notre ambition est de rendre l’information économique accessible aux populations pour qu’elles en profitent. Quand on dit par exemple que le prix de l’huile palme s’envole sur les marchés internationaux, c’est vrai le prix de nos bouteilles d’huiles vont augmenter sur le marché local aussi. Mais qui explique aux populations que de cette information financière, ils peuvent tirer profit de la situation, en investissant sur des valeurs boursières liées à cette matière première. Qui leur explique la situation pour leur dire que ce n’est que passager, et qu’il ne faille pas détruire toutes nos forêts pour aller planter des palmiers. Quand on décide de la construction d’autoroutes, qui leur explique que les PME locales peuvent profiter du projet. Qui explique aux populations que telles décisions politiques aura des effets économiques et sociaux calculés et prévisibles? C’est le journaliste économique. Et nous nous mettons au coeur de notre programme la formation, et le renforcement des capacités des journalistes économiques, de nos membres.

Etes-vous compris et soutenu dans votre démarche par nos autorités?

Alors pour tout vous dire, on voit encore des ministères, des directions générales qui initient des formations pour aider les journalistes à développer leurs compétences. Mais cela n’est pas structurée. Ce sont des one-shoots. Et très souvent, ce n’est pas la spécialité de ces journalistes. Sachons cibler nos moyens en fonction de nos objectifs. Nous avons adressé des correspondances au début de notre mandat aux différents ministères de tutelle, aux acteurs clés. Mais quand il y a des activités généralement, ce sont de petits réseaux informels qui sont créés et dans le silence l’activité est menée. Et les résultats se font attendre. Et si on changeait de paradigme? Pour l’heure ceux qui nous soutiennent véritablement sont les ambassades, les institutions internationales, les ONG, et certaines directions générales. Et je veux ici saluer la direction de la diplomatie économique, de la ministre d’Etat ministre des Affaires Etrangères, de la Primature, du ministère du Plan et du développement, et du secrétariat général de la Présidence de la république qui nous accompagnent, nous consultent et nous associe à leurs activités stratégiques.

Et quelles sont prochaines perspectives?

Nous allons continuer nos séries de formation à l’endroit de nos membres. Nous avons déjà initié une dizaine d’ateliers de formation sur tout le territoire, en partenariat avec l’Union Européenne, L’APDH, et la Fondation Konrad Adenauer. Nous avons des formations en ligne aussi. Nous avons intégré le réseau régional de la presse économique. Des activités à’l’endroits étudiants en journalisme seront initiées pour leur faire comprendre l’importance du journalisme économique. Le site internet de l’Association sera optimisé pour répondre à des innovations stratégiques pour devenir un hub d’informations et de données économiques pour les investisseurs et les décideurs étrangers, et même nationaux. Notre département Relations Publiques est en train de prendre attache avec des champions nationaux et des potentiels licornes que nous allons accompagner e mieux promouvoir, mais derrière eux, c’est la promotion économique de la Côte d’Ivoire qui est visée et renforcée. Le réseau des journalistes économiques et financiers, et experts de la communication et professionnels des médias est bien actif en Côte d’Ivoire. L’AJEFCI est bien active et appelle à fédérer les énergies et les initiatives pour une meilleure promotion de la destination Côte d’Ivoire.

Interview réalisée par Anita Z.

 

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